L’association éducative et culturelle Hamaskaïne
« Dans des pays étrangers, entourée de mille périls qui menacent notre appartenance, comment la jeune génération pourrait-elle rester arménienne ? Il n’y a plus de territoire. Il ne nous reste que l’école et le livre ».
C’est en ces termes que le 28 Mai 1928, dix ans après l’indépendance de la Première République d’Arménie, Lévon Chant annonce, au Caire, la fondation d’une association « pan-arménienne » dédiée à l’éducation et à la culture.
Après les derniers massacres de Cilicie et les déportations de masse dans les déserts du Proche-Orient, après la perte de l’indépendance de l’Arménie, certains fondateurs et membres du gouvernement arménien sont forcés à l’exil. Ils se retrouvent au Caire et fondent l’association Hamaskaïne.
Parmi les neuf fondateurs du Hamaskaïne, citons :
Il poursuit des études de médecine à Moscou puis à Lausanne. En 1918, il est nommé Ministre des Affaires Étrangères et par la suite, il assure la fonction de Premier Ministre entre mai et novembre 1920. Suite à l’avancée soviétique, il est emprisonné, puis libéré et exilé en Iran. Il s’installe en Égypte où il vit jusqu’à sa mort.
Après des études de Lettres à Lausanne, puis à la Sorbonne, il devient en 1918 membre du Parlement de la Première République d’Arménie. En 1919, il est nommé Ministre de l’Éducation et des Arts. L’Université d’État d’Erevan est fondée au cours de son mandat. Il est également emprisonné par les Soviétiques, libéré et exilé en Iran. Il vit un certain temps en Égypte puis, en 1930, il s’installe à Beyrouth.
Après des études en pédagogie, psychologie et littérature en Allemagne et en Suisse, il retourne à Constantinople et enseigne au Yessayan Djémaran.
En 1919, il devient membre du Sénat et Président du Parlement de la Première République d’Arménie.
Après une période d’emprisonnement, comme ses collègues, il est exilé en Iran. Il vit à Marseille, puis en Égypte et s’installe en 1930 définitivement à Beyrouth.
Ces fondateurs étaient en train d’édifier une République dans un pays où tout était à construire. Ils forgeaient et inventaient ses institutions sur les modèles d’États démocratiques. Ils avaient organisé des élections en 1919 au suffrage universel et avec un peuple qui “avait perdu le sens de l’État depuis six siècles”. 1
Exilés en Égypte, ils se retrouvent face à une autre réalité, celle de l’Arménie Occidentale, celle d’un peuple de survivants, de réfugiés, de déportés, de déracinés, d’étrangers, un peuple composé en grande partie d’enfants-orphelins, de paysans arrachés à leur terre.
S’il fallait édifier un État à partir du “chaos” 2, là, il fallait édifier la Nation sans territoire. Il fallait réunir ce peuple dispersé, il fallait l’unifier, l’éduquer. En diaspora, le territoire de la République allait être remplacé par l’école arménienne.
L’école était à la fois l’outil et le moyen, mais aussi l’objectif. À travers l’école arménienne, il fallait sauvegarder la langue et la culture qui, à leur tour, devaient garantir la survie du peuple.
Les écoles de « Hamaskaïne » dans le monde
En 1930, le premier Djémaran (lycée) est fondé à Beyrouth. Il portera plus tard le nom de son mécène et sera nommé Nechan Palandjian Djémaran. Ce lycée pilote, qui débute avec 15 élèves, constituera les bases de l’école arménienne en diaspora. Puis une maison d’édition et une imprimerie sont fondées : il faut publier des livres scolaires et assurer la transmission de la langue et de la culture arméniennes.
En 1987, l’école est contrainte à déménager à Antélias, au Liban. Désormais, elle porte le nom de ses nouveaux mécènes et est appelée Melankton et Haig Arslanian Djémaran. Elle est composée de plusieurs bâtiments qui abritent une crèche, les sections du jardin d’enfant, les classes du primaire et du secondaire. Elle accueille environ 700 élèves.
L’école Hamaskaïne de Marseille est créée en 1980 à l’initiative du comité central, avec l’objectif de dispenser un enseignement franco-arménien. Elle débute avec une classe de maternelle de quatre élèves. L’ensemble des cycles est constitué en 1993, délivrant sa première promotion de bacheliers en juillet 1994. L’école Hamaskaïne de Marseille est à ce jour, la seule école quotidienne en France, à proposer un enseignement de la langue arménienne, de la maternelle au lycée. 340 élèves sont scolarisés et toutes les classes sont sous contrat d’association avec l’Etat. Les taux de réussite aux examens nationaux oscillent entre 90 et 100%.
À Sydney, en Australie, Arshag and Sophie Galstaun School ouvre ses portes en 1986, à l’initiative du comité régional de Hamaskaïne.
L’école Tarkmantchatz d’Issy-les-Moulineaux a rejoint le réseau des écoles du Hamaskaïne en 2015.
Les activités internationales de Hamaskaïne
Aujourd’hui encore, Hamaskaïne continue son travail de transmission culturelle tout en s’étendant à partir du Liban, où siège le Comité Central depuis 1930, aux États-Unis, au Canada, en Syrie, en Amérique du Sud, en Australie et en Europe, notamment à Paris. L’association compte à présent une cinquantaine de branches dans le monde entier.
Au Liban, le comité régional a été fondé en 1975. Tout en continuant à assurer les activités de la compagnie de théâtre Kasbar Ipékian, créée en 1941, et de la chorale Koussan (1956), il fonde son centre culturel Lévon Chant en 1988. L’école d’art Toros Rosslin est mise en place en 1988 également, le conservatoire Parsegh Ganantchian et l’école de danse Kayaneh sont fondés en 1989. La chorale pour enfants et adolescents Gargatch verra le jour en 1997 et l’école de théâtre pour enfant Arek en 1999.
En 1977, sur la Côte Est des États-Unis, l’association établit un comité régional, regroupant une dizaine de sous-comités qui existaient depuis les années soixante, et qui sont actifs dans leur villes avec leur troupe de théâtre, leur ensemble de danse et les activités culturelles qu’ils proposent. Quelques années plus tard, en 1980, c’est la Côte Ouest qui crée son comité régional avec une dizaine de sous-comités. Hamaskaïne s’établit à Montréal, au Canada, en 1963, et en 1969 il s’installe à Toronto. Les activités sont diverses : organisation d’un salon du livre et d’un festival de films, un Studio d’art, un ensemble de danse, une troupe de théâtre et des chorales.
Hamaskaïne est active en diaspora mais aussi en Arménie, à travers ses bureaux installés à Erevan en 1990. Depuis 1995, il réunit chaque été des étudiants du monde entier dans le cadre de son Forum en Arménie. Avec la Faculté des Études Arméniennes de l’Université d’État d’Erevan, il a mis en place, depuis 2012, un programme dont l’objectif est de préparer des jeunes étudiants à l’enseignement de la langue, de l’histoire et la culture arméniennes dans les écoles de la diaspora.
Dans deux ans, Hamaskaïne célébrera son centenaire, en poursuivant sa mission définie par Nigol Aghpalian en ces termes :
« La mission de Hamaskaïne est d’édifier le renouveau de la nation arménienne. Une nation qui reste fidèle à sa culture, qui soutient son école et qui croit toujours à la victoire de la Cause Arménienne ».